mardi 13 novembre 2012

Delacroix quitte le Louvre





La Liberté Guidant 

Le Peuple 

de Delacroix quitte le 

Louvre




Le chef-d'œuvre, remplacé par une vue d'intérieur de la basilique d'Assise peinte par Granet, part pour un an à Lens.

Eric Bietry-Rivierre




Une des œuvres phare du Louvre a été décrochée et décadrée, mardi matin. Elle rejoindra pour un an, avec un cadre plus solide créé pour l'occasion, l'antenne du musée à Lens le mercredi 21 novembre. Cela avant l'ouverture du site au public le 12 décembre.
Au premier étage de l'aile Denon, dans la salle Mollien consacrée au romantisme (salle 77, toute de rouge empire depuis 1863 ), La Liberté guidant le peuple (28 juillet 1830) d'Eugène Delacroixa été remplacé par sa toile voisine de droite La Barque de Dante du même peintre. Et le vide laissé au cœur de l'ensemble des Delacroix a été comblé par Intérieur de la basilique basse de Saint-François, à Assise. Une toile d'un format légèrement plus petit (200 x 274 cm), peinte par François-Marius Granet, en 1823.
On pourra s'étonner du choix. Une vue d'église en lieu et place d'une image de Marianne a priori tellement républicaine qu'elle orna, avec son Gavroche, le billet de 100 francs jusqu'à l'avènement de l'euro. Qui plus est, comment justifier une vue d'église à côté du très politique Radeau de la Méduse de Théodore Géricault et en face des très lascives Femmes d'Alger dans leur appartement de Delacroix?
«Mais il ne s'agit pas d'une peinture religieuse, répond le conservateur en chef du Patrimoine, au département des Peintures, en charge de l'École française du XIXe siècle. C'est plutôt un travail sur la lumière et un hommage à l'Italie de Dante qu'on célèbre à l'époque, comme l'atteste aussi La Barque voisine. C'est aussi une peinture destinée à concourir au Salon annuel des peintres. Elle y figure en 1827 tandis que La Liberté a été acquise par l'État au Salon de 1831.»



Delacroix servit de modèle à Géricault


 Intérieur de la basilique basse de Saint-François, à Assise par François-Marius Granet.


«Par ailleurs, le déplacement à Lens nous offre l'occasion de «relire» cette Liberté , ajoute Vincent Pomarède le directeur du département des peintures. Elle traite des Trois Glorieuses qui virent la chute de Charles X et l'arrivée de Louis-Philippe. Elle évoque donc, non la mise en place d'une république mais d'une monarchie constitutionnelle. Quant au drapeau tricolore qui surmonte le groupe des émeutiers, il symbolise la réconciliation entre monarchistes éclairés et républicains. Ce n'est que bien après, passé 1871, que l'imaginaire collectif a vu dans cette composition, l'image même de la Liberté en marche et un hymne en faveur des idéaux républicains.»
Reste que La Liberté est aussi une peinture éminemment parisienne, avec les premières barricades réapparues depuis la Fronde, avec Notre-Dame en arrière-plan, et contemporaine de Notre Dame de Paris de Victor Hugo. Son départ en province coûtera beaucoup aux amoureux de Paname. On regrettera aussi la séparation avec Le Radeau dont la Liberté fut une sorte de réponse esthétique, Delacroix inversant l'ordonnancement pyramidal pour faire aller les personnages vers l'avant et non plus vers l'arrière. En outre, comme le rappelle la petite histoire, Delacroix lui-même servit de modèle à Géricault pour un des cadavres au premier plan. 







Mardi matin, le Louvre fermé, les ouvriers s'employaient à déposer délicatement la toile et à la remplacer aux cimaises par le plus beau tableau de François-Marius Granet, demeuré jusqu'alors dans les réserves.(DR)




















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