samedi 1 décembre 2012

Le Louvre se réinvente à Lens...



Le Louvre se réinvente à Lens sur un carreau de mine
















Eric Bietry-Riviere

Plus qu'une antenne du palais parisien, c'est un centre culturel d'envergure internationale que le président de la République inaugurera mardi. Soit une galerie de 205 chefs-d'œuvre, deux salles d'expositions temporaires, des réserves visitables et un auditorium. Ouverture au public le 12 décembre.



Dès la descente du train,La Liberté guidant le peuplehisse les couleurs bleu-blanc-rouge en 4 × 3 mètres sur Lens. L'œuvre de Delacroix est visible un quart d'heure à pied plus loin mais, place de la gare, reproduite sur une bâche occultant des façades décrépites, elle sonne tout à la fois comme un cache-misère et un appel au sursaut national par un geste audacieux. Pour réussir la greffe du plus grand musée du monde dans le pays sinistré des corons et des terrils, La Libertéa également été affublée d'une accroche à résonance locale et footballistique: «Le Louvre en sang et or, quand l'art s'invite au stade.» De fait, le Louvre-Lens imaginé par l'agence japonaise Sanaa (New Museum of Contemporary Art de New York en 2007, pavillon d'été de la Serpentine Gallery de Hyde Park, Londres en 2009) étend ses galeries d'aluminium poli et d'alvéoles de verre à quelques encablures du stade Bollaert. Lui se trouve en attente de rénovation et espère participer à l'Euro 2016. Réponse le 24 janvier. Dans cette région du Nord-Pas-de-Calais, cette actualité-là fait au moins autant parler que la nouvelle infrastructure.
Les deux sites font parc commun depuis la transformation, par la paysagiste Catherine Mosbach, de la fosse 9-9 bis, un ancien carreau de mine. «La terre noire n'est pas polluée. Au contraire, très riche en carbone, elle permet à de nombreuses espèces de prospérer», explique à l'entrée Juliette Guépratte. Dans le vaste hall ponctué d'alvéoles vitrées (cafétéria, informations, espace pour les groupes), cette chef du service des publics accueille les premiers VIP en collants. Elle a laissé sur le seuil ses bottes crottées de la boue environnante. Car si les pelleteuses s'activent toujours dehors, l'intérieur est fin prêt pour l'inauguration présidentielle prévue mardi.
Rectiligne, de faible hauteur, presque discret, ce Louvre-Lens, long de 450 m, est plus qu'une antenne provinciale de la maison mère. Il bouscule les canons de la muséographie classique. «Nos collections sont ici présentées de façon transversale, réunissant ce qui, à Paris, est séparé en départements, en écoles, en techniques, explique Henri Loyrette, le patron du Louvre, qui, depuis quelques mois, avec son équipe, a pris table en face, au bistrot-frites Chez Cathy. Cela donne de nouvelles clefs de compréhension aux œuvres.»

            Aussi riche que claire

Épine dorsale du lieu, baignant dans le gris bleuté du jour et des parois argentées, la Galerie du Temps rapproche en effet dans son vaste et unique espace statues, objets sacrés ou décoratifs, vestiges et tableaux. Passé une grande table didactique interactive, le voyage peut commencer. En s'aidant d'une chronologie gravée sur la paroi de droite et de quelques bornes numériques, on part de l'invention de l'écriture du côté de Babylone pour terminer au XIXe siècle. Non seulement avec Delacroix, Ingres ou Barye mais aussi avec un portrait qui est contemporain à ces artistes: celui de Fath Ali Shah, un souverain iranien présentant d'étranges ressemblances avec le célèbre Monsieur Bertin.
Entre-temps, bien d'autres rapprochements auront donné une autre image de l'Antiquité, du Moyen Âge, de la ­Renaissance, des temps classique et moderne. Esthètes et érudits apprécieront. Pour les simples curieux, ils trouveront matière à s'extasier devant plusieurs icônes. Pour la peinture sont représentés Botticelli, Pérugin, Raphaël, Rubens, Poussin, Rembrandt, La Tour, Claude Lorrain, le Greco ou encore Fragonard… En ce qui concerne la statuaire, comment ne pas s'arrêter devant cette idole cycladique qui ressemble à un Brancusi, cette élégante Aménophis III en bois, cet impérial Marc Aurèle ou ce monumental sacrifice de taureau lourd de 3,5 tonnes de marbre? Plus loin, le gothique voisine avec les arts de l'islam. Et l'Orient poursuit son dialogue avec l'Occident avec les céramiques d'Iznik ou d'Ispahan rapprochées de faïences d'Urbino, de terres cuites françaises et aussi d'un merveilleux vase ciselé dans le cristal de roche à Milan vers 1600. Ces trésors sont là pour un maximum de cinq ans, 20 % seront changés chaque année. Ainsi le lieu se trouvera renouvelé en permanence.
À son extrémité s'ouvre une rotonde de verre qui propose une exposition sur le temps et les manières de le concevoir dans différentes sociétés. Lorsqu'on revient dans le hall central, l'accès au théâtre de 288 places assises est aisé. On peut aussi visiter l'autre exposition temporaire inaugurale. Aussi riche que claire, elle est consacrée aux Renaissances italienne et nordique. La Sainte Anne de Léonard de Vinci y est accrochée en point d'orgue. Une rétrospective Rubens suivra en juin, puis on évoquera le monde étrusque. Dernier motif de surprise: en sous-sol, les réserves sont accessibles par groupes, sur rendez-vous. De la manutention à la restauration, on y est même invité à découvrir les métiers de ceux qui œuvrent en coulisses. Chose impossible au Louvre-Paris.













Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire