jeudi 6 décembre 2012

Oscar Niemeyer: "J'ai aimé la France"




L'architecte est mort ce mercredi à quelques jours de ses 105 ans. L'auteur de Brasilia s'était confié dans un entretien à l'Humanité en 2007. Extrait.










Vous dites souvent que la vie est plus importante que l'architecture. Comment un architecte peut-il aider à transformer le monde ?
Oscar Niemeyer. Il peut lutter pour une société plus juste et plus solidaire.

Qu'a représenté pour vous la construction de Brasilia? La ville conçue par l'urbaniste Lucio Costa a-t-elle été abîmée, modifiée ou transformée par les - gouvernements militaires après le coup d'État de 1964 ? Son projet fondateur a-t-il été respecté?
Oscar Niemeyer. L'idée - défendue par le président - Juscelino Kubitschek d'une - nouvelle capitale ouverte à- - - l'extérieur nous remplissait - d'enthousiasme. Et nous sommes partis vers cette région inhabitée et lointaine, persuadés que nous réalisions quelque chose de bien pour notre pays. Les gouvernements militaires n'ont pas trop abîmé Brasilia. L'urgence dans- - laquelle la ville a été construite est responsable de beaucoup de ses imperfections. Brasilia a été - victime de problèmes inévitables dans n'importe quelle ville.

L'intellectuel que vous êtes n'a jamais caché ses idées - communistes, même pendant la dictature militaire brésilienne de 1964 à 1985. Comment la dictature a-t-elle essayé de discréditer votre travail à Brasilia ?
Oscar Niemeyer. Lors du coup d'État j'étais à l'étranger pour mon travail. Je me rappelle que Malraux a obtenu de De Gaulle un décret me permettant - - de- - travailler en France, et, étant donné la situation au Brésil, j'ai trouvé plus raisonnable de - prolonger mon séjour à Paris. Mon bureau brésilien et le siège de la revue Módulo que je - dirigeais ont été réquisitionnés, ce qui m'a obligé à rester en Europe encore quelques années. À mon retour au pays on ne m'avait pas oublié. La situation était plus calme, mais à peine débarqué, on m'a emmené à la police politique. Nous avons vécu vingt années de violence. Finalement cette époque est révolue. Aujourd'hui, nous voilà gouvernés par Lula qui n'est pas communiste mais qui heureusement n'a pas oublié son origine ouvrière et imprègne sa gestion politique d'un sens populaire qui nous plaît (bien que nous ne soyons pas tous tout à fait satisfaits). Nous continuons de lutter pour une société sans classes, comme celle que défendait Marx.
J'ai aimé la France, j'ai eu un grand plaisir à rencontrer Sartre et Malraux. J'ai aimé mes camarades communistes français, je pense à Georges Gosnat, j'ai aimé me balader dans Paris et ses restaurants. Je me souviens de ce moment où, la construction du siège du PCF terminée, Thorez, le secrétaire du Parti, m'a demandé : « Oscar, j'ai une vieille table qui m'a accompagné toute la vie. Est-ce que je peux la mettre dans mon bureau ? » Comme architecte, je n'avais jamais entendu une preuve de respect du travail d'autrui aussi délicate et juste.

Brasilia, avec sa cathédrale magnifique et ses palais aux lignes élégantes qui avaient ravi Malraux, entre autres, est-elle votre oeuvre la plus importante ?
Oscar Niemeyer. Non. Dans mon premier grand travail, - Pampulha, à Belo Horizonte, cette architecture libre et créative que le béton suggère et rend - possible est déjà là. À Brasilia, j'ai voulu que les palais et bâtiments publics de la nouvelle capitale - respirent un air nouveau qui - surprenne et émeuve.

Lorsqu'on observe vos - réalisations françaises, on pense immédiatement aux lignes concaves et convexes du Congrès national de Brasilia. Le style - Niemeyer est celui  des courbes - élégantes. Quelle est votre plus grande source d'inspiration ?
Oscar Niemeyer. La courbe est la solution naturelle. Je cherche toujours la forme nouvelle et c'est avec des structures concrètes que je cherche à innover, à réduire les points d'appui pour rendre- - l'architecture plus audacieuse, différente. Tout cela peut être - suggéré par le béton armé, - toujours si généreux. Mais je - répète que l'architecture n'est pas ce qui compte le plus. Il m'arrive de penser qu'un jeune qui proteste dans la rue contre l'injustice de notre monde fait un travail plus important que le mien. Et les - journalistes à qui je dis cela sont stupéfaits.














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