samedi 8 décembre 2012

Salvador Dali de retour à Paris





Salvador Dali, 

portrait à double face







Salvador Dali en 1972, à Paris.
Salvador Dali en 1972, à Paris. Crédits photo : STF/AFP




Par Valérie Duponchelle 


Salvador Dali (1904-1989) retrouve le public du Centre Pompidou le mercredi 21 novembre jusqu'au 25 mars 2013. Le maître des paradoxes y revient en gloire, plus de trente ans après la fameuse rétrospective de 1979-1980 qui reste, à ce jour, un record de fréquentation.


Dali de retour à Paris? Retour d'un personnage resté au firmament des superlatifs. Artiste résolument moderne et nature plus que double. Un virtuose du pinceau, héritier de l'école flamande, et un cabot assez potache jouant de son œil pervenche, de sa moustache fine et de sa voix rocailleuse. Un timide interdit comme une vierge et un pionnier de la performance qui fait mal. Un jeune subversif et un vieux bigot, encore détesté en Espagne, malgré son talent, pour sa tardive vénération franquiste. Un vrai lettré au savoir encyclopédique et un plaisantin jouant sans fin sous le masque. Un obsédé de l'image, y compris publicitaire, et un adepte de la retraite salutaire au grand air de Port Lligat. Un obsédé sexuel (tous ses tableaux en témoignent) et un amoureux fou de sa muse, Gala la Russe. Un Catalan au soleil, en espadrilles et marinière, et un dandy parisien au salon, frotté aux mondanités les plus soyeuses.
Ses peintures sont des puzzles qui continuent d'intriguer, de choquer et de fasciner, plus de trente ans après sa mort. Lui aussi est un puzzle énigmatique, assemblé de sa propre main, analyse en historien d'art Thierry Dufrêne, dans sa biographie Salvador Dali. Double image, double vie (Éditions Hazan). Dali, le beau parleur qui pouvait écrire en catalan, en français et en castillan, n'a-t-il pas publié son premier récit autobiographique en 1942, sous le titre provocateur deLa Vie secrète de Salvador Dali ? Cet exercice de style flamboyant est un défi lancé aux biographes et à la précision des faits objectifs. Que croire? Que ne pas croire? Que dévoilent ses mensonges? Que cachent ses aveux? C'est exactement dans ces zones mixtes de l'inconscient et de l'ego que se forge une légende.
              
         Peintre surdoué

Salvador Felipe Jacinto Dalí i Domènech est né à Figueras, le 11 mai 1904, d'un père notaire et d'une mère, déjà frottée à l'art brut et pleine d'invention, «qui n'avait pas son pareil pour transformer un objet et même un intérieur domestique», souligne Thierry Dufrêne, l'un des commissaires de la rétrospective parisienne. Dali y est mort, veuf, le 23 janvier 1989, à 84 ans. Ce peintre surdoué, adorateur de Vermeer et de Vélasquez, cohabitait alors dans l'esprit du public avec tous ses plus fantasques avatars, du moustachu hyperbolique qui «adoooore» le chocolat Lanvin au vieil homme en peignoir de roi que l'on promenait en chaise roulante, tel un trophée. Dali, c'est toujours l'assurance de tous les extrêmes. D'où une littérature surabondante que cette nouvelle rétrospective, très attendue, nourrit encore un peu plus.
Grâce à ce feu d'artifice annoncé au Centre Pompidou, à partir du 21 novembre, on saura tout de «Salvador Dali, deuxième du nom», chargé d'endosser le prénom et le passé de son frère aîné, mort à 5 ans. Tout de Gala la brune, femme oiseau volée au poète Paul Éluard, devenue sa muse, sa lionne, son cerbère et son modèle omniprésent (Gala Dali. Égérie de l'art moderne, par Laetitia Cenac, Éditions de La Martinière). Tout de son goût avéré et pointu pour la science (La Raison du fou, par Vincent Noce, Éditions du Centre Pompidou). Tout de ses penchants photographiques (des premiers essais inspirés à Port Lligat, avec René Crevel, à sa longue complicité avec l'Américain Philippe Halsman, d'où naquirent ses portraits bondissants avec des chats, Dali Atomicus, 1948). Tout de ses velléités cinématographiques (de Luis Bunuel à Alfred Hitchcock et même le gentil Disney). De ses préférences musicales, de ses inspirations théâtrales et de sa vision du marché de l'art (Les Cahiers du Musée national d'art moderne, no 121).
             
       200 œuvres prêtées

Le reste n'est que peintures, sculptures, dessins (le catalogue de l'exposition, bleu comme la Méditerranée chez Dali, est un livre objet magnifique, Éditions du Centre Pompidou). Soit près de 200 œuvres prêtées royalement au Centre Pompidou par les quatre plus grandes collections de Dali au monde: la Fundacio Gala-Salvador Dali de Figueres, le Salvador Dali Museum de St Petersburg (Floride), le Musée Boijmans Van Beuningen de Rotterdam et le Museo Reina Sofia de Madrid. Un choix d'icônes (Guillaume Tell, 1930) et d'œuvres moins vues que Jean-Hubert Martin et ses trois commissaires associés ont combinées autrement pour dessiner Dali à contre-courant. Il s'agit de dresser un nouveau portrait d'un artiste presque trop célèbre pour être compris. Ces quatre mousquetaires ont écarté l'œuvre gravé et, d'une manière générale, tous ces multiples avalisés par l'artiste vieillissant et complaisant. Exit «Avida Dollars». Recentrage sur l'essentiel, donc.
La scénographie de Laurence Le Bris et Oscar Tusquets viendra joyeusement au secours du visiteur, menacé par l'avalanche de sens et de non-sens, de mythes et de codes visuels, d'obsessions latentes et de rêves éveillés. Le visiteur entrera dans l'univers de Dali par un œuf géant: là sera l'origine de tout, comme le fameux cliché de Philippe Halsman qui représente Dali nu et recroquevillé comme un fœtus (Mémoire prénatale, 1941). Il en sortira par un cerveau, celui-là même de Dali, vrai labyrinthe vénitien qui résumera le bouillonnement de l'esprit et de la création. Entre ces deux étapes, l'œuvre de ce diable d'homme sera racontée en sept chapitres, à la fois thématiques et chronologiques. De «la Résidencia de Estudiantes aux voies du surréalisme» jusqu'à l'«Autoréférence et les grandes machines». On ira vérifier toute sa «Théâtralité» dans une salle fermée. Voir son cinéma grinçant dans une salle obscure où les canapés auront la bouche rouge de Mae West (référence à son Mae West Lips Sofa, 1937). Bref, on en aura plein les yeux.














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