samedi 5 janvier 2013

La renaissance de La Ruche de Montparnos




La Ruche, l'utopie réalisée des Montparnos










Van Dongen


" Lucie and Her Partner ". Van Dongen



Par, Eric Biétry-Rivierre. Mis à jour le 17/02/2009

Jusqu'au 10 mai, le Palais Lumière d'Évian revient en 250 œuvres sur l'histoire du célèbre phalanstère parisien où créèrent Chagall, Modigliani, Soutine et tant d'autres.


En 1902, l'atelier Eiffel répond à de multiples commandes. Parmi elles, à Évian, l'achèvement du Palais Lumière. Et à Paris, son ancien pavillon de l'Exposition universelle de 1900 pour les vins de Bordeaux est remonté à l'extrémité sud du quartier Montparnasse. Partout souffle l'esprit joyeux de la Belle Époque. L'histoire du pavillon parisien est centrée à l'intérieur du majestueux établissement thermal situé devant le lac Léman, transformé après bien des déboires en un grand centre culturel et de congrès.
Acquise une fortune - l'équivalent de 2 M€ - par Alfred Boucher, un sculpteur à l'académisme rentable, la rotonde Eiffel devient au tournant du siècle un phalanstère aux loyers modestes et souvent impayés. Où une foule d'artistes trouve le gîte, le couvert et surtout la lumière, dans des ateliers où chacun peut enfin respirer et créer en toute liberté. Zadkine, Modigliani, Kikoïne, Krémègne, Epstein, Rivera, Jacques Lipchitz. Apatrides et réfugiés d'Europe centrale se sont vite donné le mot.
Et les alvéoles de La Ruche bourdonnent, cristallisant un mouvement qui sera bientôt baptisé École de Paris. L'avant-garde se gonfle encore des amis de passage qui apportent idées et bouteilles : Blaise Cendrars, Max Jacob, Apollinaire, Cocteau… Les mots d'ordre sont « improvisation générale » et «recherche intensive». Les couleurs vont bien au-delà du rouge socialiste et du noir anarchiste.

              Une consécration encombrante


Fernand Léger passe, peint sa Couseuse. Son ami Archipenko invente la sculpture cubiste. Chagall voisine avec Soutine. Ces Russes font du bruit. Le premier multiplie les chefs-d'œuvre. Le second se prend pour Rembrandt : il est allé chercher son modèle à côté, dans les abattoirs de Vaugirard. L'œuvre est conservée au Musée d'art moderne de La Haye, accrochée en bonne place à côté des meilleurs Mondrian.
Les traces de ce vivier unique sont partout visibles dans le monde. À Évian qui est une petite ville, le meilleur n'est donc pas là. Les 250 peintures, sculptures, photos, vidéos et installations réunies par Sylvie Buisson, historienne de l'art et ancienne conservatrice du Musée du Montparnasse, constituent un résumé honnête.
Le visiteur découvre d'abord les belles photos noir et blanc certaines de Doisneau - qui témoignent des séquelles de la guerre puis de la renaissance de La Ruche, toujours active de nos jours, l'ambiance taudis en moins. Car, avec Paul Rebeyrolle, Lino Mélano, Luigi Guardigli, Léonard Léoni né sur place, VilianoTarabella l'assistant de Arp, ou encore le Grand Prix de Rome André Barelier, la relève fut glorieuse et finit par faire oublier le surnom de l'endroit : « la Villa Médicis du pauvre ». C'était le temps du renouveau de la figuration. En 1967, menacée par un promoteur, La Ruche fut défendue par un comité présidé par Chagall. Ses membres ? Sartre, Beauvoir, Jean Renoir, René Clair… En 1971, André Malraux la fit classer monument historique. Un sauvetage et une consécration quelque peu encombrante.
Au Palais Lumière, la scénographie signée Frédéric Beauclair s'inspire de l'architecture cylindrique d'Eiffel pour proposer une promenade ondulante et un accrochage un peu pauvre, sur des chevalets, devant des agrandissements d'images du lieu ou des gens du temps jadis. Au sous-sol, on découvre les travaux des artistes contemporains. Hyperréalisme, minimalisme, essais plus ou moins sincères ou profonds. La Ruche abrite toujours une soixantaine de pensionnaires. Là se trouve la tanière d'Ernest Pignon-Ernest d'où il part, la nuit, appliquer ses sérigraphies angoissées sur les murs des cités. Un geste depuis longtemps applaudi mais qui veut demeurer rebelle.














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