samedi 23 mars 2013

"JARDIN". La lucidité provocatrice...






"Pouvoir émanant du jardin". T. mixte. Francisco Rivero


Avec la lucidité provocatrice qui la caractérisait, Dulce Maria Loynaz n´a 
pas hésité à affirmer que Jardín était un livre hors de propos, bien que 
la détermination de la date ait été très précise - année, mois, jour et 
heure -. 

Ainsi résultait, certainement, l´idée de construire en 1935, l´étape de 
l’expansion de l´avant-garde, obsédée par le rapide passage des jours 
et le sauvetage de la portée de la nation, de structurer un roman arrêté 
en lui, non pas dans le temps et dans un endroit.

Comme une plante parasite, le texte se développe autour de La 
Belle au bois dormant, un conte infantile, inquiétant comme tant 
d´autres par sa nature perturbatrice. Etranger à une géographie 
précise, son contexte est celui de l´éternité entre la mer et la côte 
inhospitalière, la fertilité corrompue des arbres et des herbages, 
l´horloge arrêtée pour toujours dans le passage des saisons. 

Le fil conducteur de la saga, Bárbara, au visage flou et à la 
silhouette imprécise, tire son nom, si cubain en apparence, de son 
étymologie grecque. En effet, c´est une étrangère, un insaisissable 
fantôme parmi les fantômes, des figures et des paysages plats, 
esquissés en superficie, similaires à photos triées selon une chronologie 
conventionnelle.

Il est bien connu qu’Alejo Carpentier s’est inspiré de Loynaz pour 
décrire, dans Le siècle des lumières, le vécu à l’envers, en marge 
des horaires et des conventions de Carlos, d’Esteban et de Sofia. 

Encore plus précis, El clan disperso, son roman inachevé raconte 
l´histoire des épisodes, pris sans doute de ses souvenirs 
personnels, en relation avec des dîners dans la périphérie de la ville, 
avec des nappes brodées sur l´herbe, le service d’un major d’homme 
et une vaisselle d’argent éclairée par des candélabres. Dans le groupe 
hétérogène se trouve la future avant-garde des musiciens, des peintres 
et des écrivains, alors des pauvres inconnus. 


Le 21 juin 1935, à sept heures moins le quart du soir, Dulce Maria 
Loynaz arrête les horloges. Elle avait achevé la rédaction du Jardín et 
elle tourne le dos, définitivement, à n’importe quelle approximation de 
la modernité. Comme Bárbara, elle reste comme une voyageuse du 
temps et hors de celui-ci, dans une existence prêtée, entre les silhouettes 
planes, semblables aux jeux de cartes français. On ne pouvait pas imaginer 
que le jardin envahirait sa résidence quand les tressaillements de la ville 
lointaine ont dispersé son univers de fiction. Toujours altière, elle continua 
à vivre entourée d´objets, de livres et de documents qui préservaient 
l´atmosphère d´une autre époque. Certaines fissures dans la zone 
frontalière de son masque peuvent laisser percevoir ce qui est dit, ce qui 
est proposé et ce qui est caché entre la voix et le silence. Elle ne 
demande pas de faveur. 

Courtoise et fière, avec un esprit de classe profondément enraciné, 
elle a reçu les honneurs qui lui ont été accordés : le Prix National de 
Littérature à Cuba et le Prix Cervantes en Espagne.


Par, Graziella Pogolotti
 ( Fragment )









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