vendredi 26 avril 2013

Picasso, Braque, Léger...



L'incroyable cadeau au Met







Arts Estimé à 1 milliard de dollars,les Picasso, Gris, Braque et Léger cubistes du grand collectionneur américain sont un formidable cadeau pour le Metropolitan Museum de New York.



Avec la donation record au Metropolitan Museum de Leonard Lauder, qui comprend, parmi ses 78 chefs-d'œuvre cubistes, pas moins d'une trentaine de toiles du maître du XXe siècle, New York devient le royaume de Picasso. L'événement est historique. Il va booster la Grande Pomme. Surtout, il montre la force du système américain, qui compte sur la générosité des mécènes pour rendre au pays la richesse qui leur a permis de se hisser au sommet.
À 80 ans, Leonard Lauder, fils de Joseph et Estée Lauder, fondateurs de la multinationale de cosmétiques dont il est président émérite, entre au panthéon des grands philanthropes. Il est de la trempe d'un Paul Mellon, qui, dans la lignée de son père, offrit ses Monet, Renoir, Degas et Cézanne à la National Gallery de Washington. D'un Michael C. Rockefeller et de ses descendants. Ou, plus encore, d'un John Pierpont Morgan, financier qui créa la librairie du même nom et dont les collections furent vendues après sa mort, en 1913, pour le plus grand bonheur de Henry Clay Frick, fondateur de la Frick Collection.
Alors que Leonard Lauder était déjà un généreux mécène pour le Whitney Museum, dont il devint président en 1990, il a constitué discrètement cette collection cubiste qui est aujourd'hui considérée comme la plus importante au monde. Amassée depuis 1976, celle-ci compte notamment «33 œuvres de Pablo Picasso, 17 deGeorges Braque, 14 de Juan Gris et 14 de Fernand Léger, et un nombre inégalé de chefs-d'œuvre du cubisme», a précisé le Metropolitan Museum. Parmi les Picasso figurent notamment: Notre avenir est dans l'air (1912), Eva (1913) et Vive la France (1914-1915). Dans les Braque, on compte en particulier Coupe à fruits et verre (1912) et Le Violon datant de la même année. Lorsqu'il sera exposé pour la première fois à l'automne 2014, dans un espace du musée qui n'a pas encore été défini, le public pourra jauger l'ampleur de cet ensemble et juger s'il surpasse les accrochages cubistes de l'Hermitage à Saint-Pétersbourg ou du Centre Pompidou à Paris.
«Un dialogue entre l'art moderne et l'art ancien»
Emily Braun
Quand je lui suis venue en aide il y a vingt-six ans pour continuer sa collection, raconte sa «curator» et conseillère Emily Braun, c'était une petite révolution de s'intéresser au cubisme. Cette période était reconnue par l'histoire de l'art, mais pas par le marché de l'art, qui le considérait comme un mouvement difficile d'accès et pas très commercial. Dans les années 1970-1980, les collectionneurs de l'époque achetaient encore des impressionnistes et des post-impressionnistes. Il était difficile de trouver les bonnes pièces, mais nous avons eu le privilège d'être très sélectifs et de pouvoir dire non».
Comme le précise encore Emily Braun, diplômée du Hunter College et du Graduate Center of The City University of New York (CUNY), Leonard Lauder nourrissait depuis toujours l'envie de donner sa collection à un musée. Sans ­déchirement, sans bataille, les négociations avaient commencé avec Philippe de Montebello, qui se retira du Met en 2008 pour céder sa place à Thomas P. Campbell. «Outre le souhait de combler un manque d'œuvres cubistes dans les collections du Met, le choix de ce musée a été dicté par le fait qu'il souhaitait un dialogue entre l'art moderne et l'art ancien, et surtout l'art primitif dans lequel le cubisme a puisé ses inspirations. Mettre en perspective les Chardin, les Rembrandt, les Vélasquez avec les Picasso, les Braque et les Léger.»

                Un nouveau regard sur le cubisme

De ce fait, avec une rigueur, une intelligence et surtout un goût reconnus par tous, Leonard Lauder a donc toujours acheté le meilleur de l'offre de ce mouvement, défendu, au début du XXe siècle, par les grands marchands que sont Gertrude Stein et Daniel-Henry Kahnweiler. «Sa collection est à l'image de celle de Raoul Albert La Roche, qui donna avant sa mort en 1965 un tiers de sa collection à sa ville natale de Bâle. Une partie du noyau dur de cette collection vient de celle de l'historien de l'art et collectionneur excentrique américain Douglas Cooper, mort à Londres en 1984, à l'âge de 73 ans», explique au Figaro le courtier en art Marc Blondeau, qui, lorsqu'il était chez Sotheby's, a fait l'inventaire de la succession Cooper.«Mais, au moment de la vente en privé des huiles et œuvres sur papier de Cooper, au milieu des années 1990, précise Emily Braun, la collection de Lauder était déjà très avancée.»
Le magazine Forbes a estimé la collection cubiste de Leonard Lauder à 1,1 milliard de dollars, soit 13,5 % de sa fortune personnelle, d'un montant de 8,1 milliards. Il serait la 24e personne au monde à ainsi donner plus de 1 milliard de dollars de son vivant. «Je ne sais pas d'où sort ce chiffre, souligne David Resnicow, conseiller très proche de Leonard Lauder. Nous n'avons encore procédé à aucune estimation précise à ce jour.» «Mais ce don est par nature gratuit, sans visée spéculative, même s'il va jeter un nouveau regard sur le cubisme en revalorisant fortement sa cote et notamment les Picasso de cette période», observe le conseiller en art, ancien de chez Christie's, Thomas Seydoux.
En 1997, lors de la fameuse dispersion de Victor et Sally Ganz chez Christie's à New York, la Femme assise dans un fauteuil s'envola à 24,7 millions de dollars, soit 20 millions de plus que son estimation haute. Un record pour un ­Picasso cubiste de 1913 qui n'a pas été détrôné depuis, mais qui reste bien loin de celui de 106,4 millions de dollars pour un portrait de Marie-Thérèse de 1932! À l'époque, c'était Leonard et son frère cadet Ronald, aussi très grand collectionneur et fondateur de la Neue Galerie, à New York, qui en étaient les acquéreurs…






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