jeudi 30 mai 2013

Une œuvre sombre et claire, bizarrement méconnue : Simon Hantaï.




Simon Hantaï et ses abstractions célestes au Centre Pompidou









Par, Valérie Duponchelle.


Le Centre Pompidou offre son plus bel espace à ce peintre venu de Hongrie, expérimentateur incessant. Portrait saisissant à travers une œuvre sombre et claire, bizarrement méconnue.



Voilà une rencontre qui risque de surprendre plus d'un amateur de peinture. De Simon Hantaï (1922-2008), le public n'a vu qu'une rétrospective en 1976, pas d'exposition spectaculaire depuis le CAPC de Bordeaux en 1981 et la 40e Biennale de Venise en 1982 (deux flops fort douloureux pour cette âme intense qui se replia en ermite dans son monde). Après tant d'années de silence, Hantaï est resté un beau fantôme. L'artiste des pliages, des très grands formats pseudo-géométriques, de la fraîche palette monochrome - azur, outremer, beurre frais, rose, lilas -, synonyme d'abstraction joyeuse qui orne les collections privées de l'Hexagone. Sous sa baguette intuitive, le hasard des plis a transformé ces abstractions célestes en hommage à Matisse.

              Une œuvre tout en bifurcations

Avec l'entêtement des passionnés, les trois commissaires de cette renaissance ont retracé le chaînon manquant entre le natif de Bia (1922), près de Budapest - palette assombrie, couleurs d'alchimiste, rébus figuratifs et énigmes surréalistes - et le feu follet installé à Meun, près de Fontainebleau à partir de 1966 dont les toiles, immenses, se déplient comme des puzzles. Le mystère Hantaï commence dans la bulle étroite des surréalistes, tout en codes et en érotisme subliminal, et bifurque vers le mur de peinture, le tableau infiniment grand et petit à la fois (Écriture rose et A Galla Placidia, peints simultanément pendant un an, en 1958). Les séries se succèdent - les Mariales, les Panses, lesMeuns, les Blancs, les Tabulas - et témoignent d'un artiste farouchement sans limites.
Simon Hantaï. Centre Pompidou. 19, rue Beaubourg (IVe). Tél.: 01 44 78 12 33. Horaires: tous les jours, 11 h-21 h, sauf le mardi. jusqu'au 2 septembre. Catalogue: sous la direction de Dominique Fourcade, Isabelle Monod-Fontaine et Alfred Pacquement (319 p., 49,90 €).

Simon Hantaï, la couleur pliée en quatre

Grande figure de l'abstraction en France, l'artiste inventa le pliage comme méthode esthétique.
Mélancoliesur les paliers vides et dans les escaliers en spirale bleutée, comme les enchaînements de la mémoire. Homme secret et solitaire, Simon Hantaï, 85 ans, peintre abstrait, maître de la couleur, est mort pendant son sommeil, dans la nuit de jeudi à vendredi, à son domicile parisien. L'artiste français d'origine hongroise, qui pliait et compressait la toile avant de la peindre, s'en va au moment où sa place dans l'histoire de l'art est pleinement reconnue. Suite à l'engouement des collectionneurs français, fidèles d'entre les fidèles, et de nos musées (le Centre Pompidou possède une soixantaine de ses œuvres), le marché de l'art si américanophile l'avait enfin couronné d'une enchère record à 560 000 € pour son M.A.4 Rouge historique de 1960, coup de tonnerre en décembre 2005, chez Christie's à Paris.
Né à Bia, en Hongrie, en décembre 1922, Simon Hantaï avait pris la nationalité française, en 1966, et représenté la France, en 1982, à la Biennale de Venise. Il avait étudié aux Beaux-Arts de Budapest avant de s'installer à Paris en 1949. Il participe alors au groupe surréaliste et compose des œuvres en expérimentant déjà le pliage, qui sera par la suite sa marque de fabrique. André Breton, le « pape » du surréalisme, signera la préface de sa première exposition à Paris, en 1953. Hantaï gratte alors la couleur avec des objets incongrus, comme la tranche métallique d'un réveil, pour en révéler les traces en négatif.

              Plus lyrique et gestuel

En 1955, il découvre Jackson Pollock et les peintres expressionnistes américains, se rapprochant de l'abstraction lyrique européenne et de son chef de file, Georges Mathieu. Son style se fait alors plus abstrait, plus lyrique et plus gestuel. En 1955, il réalise Sexe-Prime. Hommage à Jean-Pierre Brisset, « matérialisation d'un moment de délire érotique », jouant sur les creux, retirant la peinture par endroits.
À partir de 1960, il abandonne la toile montée sur châssis et développe sa méthode de pliage, pour réduire les manipulations et remettre en cause le geste artistique et la recherche de toute composition. Les toiles sont pliées de manière plus ou moins fine, froissées et nouées avant d'être peintes, parfois « en aveugle ». L'œuvre n'était révélée qu'une fois dépliée. L'artiste systématisera le principe de « pliage comme méthode » en réalisant des toiles pliées une fois, deux fois, régulièrement, irrégulièrement, avant d'être peintes, etc. Ses séries « Mariales  », « Catamuron », « Meuns », « Tabula » sont désormais pièces de musée ou trophées de nos meilleures collections privées.









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